Depuis le décret du 18 juillet 2025, quels sont les outils pour traiter amiablement un litige ?

Le justiciable devra connaître les différents processus applicables à compter du 1er septembre 2025.

Le décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025 portant réforme de l’instruction conventionnelle et des modes amiables de règlement des litiges entre en vigueur le 1er septembre 2025, y compris pour les procédures en cours.

Les justiciables devront nécessairement envisager le traitement amiable de leur litige.

Quels sont les choix qu’ils devront faire ?

1.      Maîtriser le moment et le périmètre de l’amiable

Les ajouts insérés à l’article 21 du code de procédure civile étendront la mission du juge qui devra déterminer, avec les parties, les outils de résolution amiable les plus adaptés à l'affaire. Déjà, deux questions se poseront :

-  A quel moment choisir l’amiable ?

Tout sera possible : au cours de l’instruction du procès avant les plaidoiries, ou après les plaidoiries avant le prononcé de la décision, mais aussi en appel et dans certains cas en cassation.

-  Quels volets du procès maintenir entre les mains d’un juge ?

Les parties pourront fractionner leur litige, pour obtenir par exemple une décision rapide sur le nœud du contentieux (comme l’existence de la faute) et recourir à l’amiable pour s’entendre sur l’indemnisation si la faute est caractérisée (en utilisant notamment la « césure du procès »).

Les parties pourront aussi décider d’ « auto-gérer » toute la phase préparatoire réservée aux échanges des arguments et des éléments de preuve, ou demander l’aide d’un expert avant de soumettre leur dossier au juge. Cela permettra de limiter la durée totale du procès, en ne revenant devant le juge que pour qu’il tranche le litige en fonction des conclusions finales des parties.

Il faut bien comprendre les différents outils de l’amiable pour intervenir au bon moment et choisir s’il faut déplacer le contentieux entre les mains d’un médiateur ou d'un conciliateur et/ou organiser contractuellement les discussions avec l’aide d’un avocat.  

 

2.      « Auto-gérer » la phase de l’instruction du procès

Désormais, par défaut, les parties gèreront elles-mêmes la phase de l’instruction jusqu’aux plaidoiries : les parties s’entendront, sans l’intervention du juge, sur le périmètre du litige, sur les modalités et les délais de communication des conclusions et des pièces, ou sur le recours à un expert.

Les dossiers ainsi traités en « auto-gestion » par les parties seront prioritaires dans les calendriers de plaidoiries.

Deux modes d’ « auto-gestion » co-existeront, avec la possibilité d’organiser une expertise.

La convention de procédure participative aux fins de mise en état (CPPME) existait déjà mais était peu utilisée. Son régime a donc été simplifié. Même si elle doit toujours être conclue par acte contresigné par les avocats des parties, les actes ponctuant son déroulement n’auront pas à respecter obligatoirement ce formalisme. La date des plaidoiries sera connue dès que le juge sera informé de la conclusion de la convention.

La nouvelle convention simplifiée ne nécessitera aucun formalisme. Les avocats pourront y recourir sans avoir à faire signer un document aux parties (les parties pourront conclure directement cette convention si les avocats ne sont pas obligatoires). Selon la circulaire d’application publiée à la suite du décret, le juge devrait examiner l’affaire à une audience fixée 6 mois à 1 an après la conclusion de la convention pour apprécier elle est en état d’être jugée et fixer une date de plaidoiries, ou s’il doit reprendre la main sur l’instruction par décision non susceptible d’appel (mesure d’administration judiciaire).

Il faudra veiller à accomplir des « actes de nature à faire progresser l'affaire » pour éviter la péremption d’instance, alors que pour la CCPME le délai de péremption est automatiquement interrompu jusqu’à l’extinction de la convention.

L’expertise amiable peut être mise en place lors de la phase d’instruction sans recourir nécessairement à l’acte contresigné par l’avocat (elle pourra d’ailleurs être mise en place en dehors de toute saisine d’une juridiction en application du nouvel article 131du code de procédure civile). Le décret met fin à l’interdiction de l’expert de concilier les parties, ce qui lui permettra d’être désigné médiateur, en pratique, après la remise de son pré-rapport.

Lorsque la convention simplifiée ou la CPPME est conclue entre avocats, le rapport de l’expert aura la même valeur que l’avis rendu dans le cadre d’une expertise ordonnée par un juge.

Autre nouveauté issue du décret : le juge saisi de l’affaire interviendra en tant que « juge d’appui » pour débloquer certaines difficultés : désigner l’expert si les parties sont d’accord sur le principe d’une expertise mais pas sur le choix de l’expert, ordonner à une partie ou un tiers de communiquer un document, proposer un remplacement d’expert ou reprendre la main sur l’instruction en ordonnant une expertise judiciaire dont il pourra définir les modalités.

 

3.      Préférer un accord amiable à un jugement imposé

Au lieu de laisser le juge trancher tout ou partie de leur litige, les parties pourront décider ensemble de recourir à l’un des processus prévus par les textes :

la conciliation (via un juge ou conciliateur de justice ou via une audience de règlement amiable dite « ARA »),

la médiation,

la convention de procédure participative aux fins de règlement amiable (CPPRA),

la transaction conclue éventuellement avec l’assistances des avocats.

Les différences entre ces processus sont principalement les suivantes :

- La nature du litige :

Il n’existe aucune restriction dès lors que les parties ont la libre disposition des droits concernés, sauf pour l’ARA qui ne peut connaître les affaires relevant du conseil de prud’hommes.

- Le moment :

Il n’existe aucune restriction, même si la CPPRA devra en principe être conclue avant de saisir la juridiction (si l’affaire est déjà devant le juge, un retrait du rôle sera prononcé). Avec le décret, l’ARA pourra être tenue au stade de l’appel. La transaction sera conclue avant ou en parallèle de l’instance en cours.

- L’intervention d’un tiers :

La conciliation et la médiation permettent de déléguer à un professionnel tiers neutre, indépendant et impartial le soin de faire respecter le cadre des échanges et de faciliter l’émergence d’un accord, éventuellement en présence des avocats des parties.

Les discussions engagées dans le cadre d’une CPPRA se feront obligatoirement avec l’assistance des avocats. La transaction signée entre les parties peut être réalisée avec ou sans l’assistance des avocats.

- L’office du juge :

En conciliation et médiation judiciaires, le juge désigne lui-même le tiers et sera saisi de toute difficulté sans forcément mettre un terme au processus amiable. Dans les autres cas, les parties remettront l’affaire devant le juge en cas d’échec du processus amiable.

- La durée du processus :

Dans le cas d’une conciliation menée par un conciliateur de justice ou d’une médiation judiciaire, la durée initiale du processus amiable sera de 5 mois (au lieu de 4 avant le décret),éventuellement prorogeable de 3 mois. Dans les autres cas, la durée est fixée par les parties.

Le délai de 2 ans de péremption à la fin duquel l’instance sera radiée si aucune partie n’accomplit de diligences sera interrompu selon les cas (i) jusqu’au terme du processus fixé par les parties dans une convention, (ii) jusqu’à la dernière audience devant le juge de l’ARA ou (iii) jusqu’au prononcé par le juge de la fin de la conciliation ou la médiation judiciaire.

- Le formalisme :

Les conciliations et médiations judiciaires sont décidées par ordonnance du juge. Il existera désormais un texte (article 1533 du code de procédure civile) sur l’ordonnance dite « 2en 1 » régulièrement prononcée par les juridictions pour, outre ordonner l’organisation d’une réunion d’information par informer les parties sur le principe d’une médiation, ordonner par avance la médiation acceptée par les parties à l’issue de la réunion. La nouveauté vient surtout de la sanction qui peut aller jusqu’à 10.000 euros pour la partie qui ne viendrait pas à la réunion d’information.  L’accord issu d’une conciliation menée par le juge ou d’une ARA pourra faire l’objet d’un procès-verbal établi par le juge pour lui donner force exécutoire. L’accord issu d’une conciliation menée par un conciliateur de justice ou un médiateur pourra être homologué par le juge pour lui donner force exécutoire

La CPPRA doit être conclue par écrit. Elle est rédigée par les avocats des parties et liste les pièces et informations nécessaires. En cas d’accord, les parties devront signé un acte contresigné par les avocats qui pourra faire l’objet d’une homologation par le juge.

Les actes précédant la transaction ne requièrent aucun formalisme, même s’il est très recommandé de recourir aux échanges confidentiels entre avocats. En cas d’accord, elle doit faire l’objet d’un écrit qui précise les concessions réciproques des parties et pourra faire l’objet d’une homologation par le juge

- La confidentialité

Le principe de confidentialité des échanges n’est pas automatique. Le nouvel article 1528-3 du code de procédure civile limite la confidentialité  aux pièces élaborées dans le cadre du processus amiable, sauf accord contraire des parties. Il s’agit des constatations ou déclarations recueillies comme les projets d’accord ou les comptes rendus de réunion.

Au contraire, les pièces produites au cours du processus ne sont pas couvertes par la confidentialité et pourront donc être produites devant le juge dans la phase contentieuse pour servir le droit à la preuve.

La conciliation menée par un juge ne peut pas être confidentielle dès lors que ce même juge tentera de concilier les parties et aura éventuellement à trancher le litige. Il faudra alors confier la conciliation à un conciliateur de justice (qui n’est pas un juge) ou recourir à l’ARA qui garantit la confidentialité de tout ce qui est dit, écrit ou fait.

La CPPRA n’a pas fait l’objet d’une précision législative relative à la confidentialité. Il faudra alors se fonder sur les règles déontologiques des avocats.

En conclusion, les modes amiables offrent de nombreux outils pour se réapproprier son procès, à tous les stades de la procédure, et permettent de limiter la durée du procès, de favoriser l’apaisement des relations et de choisir une solution définitive plutôt que l’aléa d’une décision judiciaire.

Toutefois, cette réappropriation implique de sortir de l’office du juge, dont la mission est notamment de veiller au respect des principes directeurs du procès et au procès équitable.

Le rôle de l’avocat sera fondamental.

Au cours de la phase de l’instruction conventionnelle, il devra veiller au respect du contradictoire dans l’intérêt de son client, et au cours des discussions préalables à un accord, il devra garantir la confidentialité des éléments échangés pour qu’ils ne soient pas utilisés contre leur client devant le juge en cas d’échec.

Chaque partie devra pouvoir dénoncer toute difficulté, les nouveaux articles 129-3 et 130-3 du code de procédure civile permettant au juge d’apprécier l’exécution de la convention conclue dans la phase d’instruction et de reprendre la main.

Une partie en situation de dépendance ne devra pas souffrir d’un déséquilibre et le comportement dilatoire devra être sanctionné.

Au cours de l’élaboration de l’accord, l’avocat devra intégrer des aspects extra-juridiques, a fortiori si le processus choisi n’intègre pas la présence d’un médiateur dont la mission implique de faire exprimer les causes et origines du conflit.

Stéphanie Coen est formée à la médiation (CMAP et IFOMENE). Elle inscrite sur la liste des médiateurs de la cour d’appel de Paris. Pour tout renseignement, vous pouvez nous contacter à contact@coenavocats.com.